La responsabilité : Un concept pivot - colonne vertébrale de l’éthique du 21e siècle

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Aujourd’hui, alors que notre pouvoir porte atteinte aux équilibres naturels, notre responsabilité s’étend au-delà des relations inter-humaines, jusqu’au niveau de la biosphère.

Ainsi, la question de l'éthique de la responsabilité se trouve au cœur de l'Éducation à l’Environnement et au Développement Durable (EEDD). Il s’agit en fait de faire prendre conscience et d’assumer ses responsabilités envers son milieu de vie immédiat, envers l’environnement planétaire, les générations futures, la vie sur la planète.
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Objectif pédagogique de cette page

Présenter le concept de la responsabilité, ses fondements philosophiques, sa relation avec le champ de l'EEDD et comment l'aborder dans un contexte éducatif.

Un concept ancien

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Sophocle
Il est bien des merveilles en ce monde, il n’est pas de plus grande que l’homme. Il est l’être qui sait traverser les flots gris, à l’heure où soufflent les vents du Sud et ses orages, et qui va son chemin au creux des hautes vagues qui lui couvraient l’abîme.

Il est l’être qui tourmente la déesse auguste entre toutes, la Terre, la Terre éternelle et infatigable, avec ses charrues qui vont sans répit la sillonnant chaque année, celui qui la fait labourer par les produits de ses cavales.

Oiseaux étourdis, animaux sauvages, poissons peuplant les mers, tous, il les enserre et les prend dans les mailles de ses filets, l’homme à l’esprit ingénieux.

Par ses engins, il est le maître des bêtes indomptées qui courent par les monts, et, le moment venu, il ploiera sous un joug enveloppant leur col et le cheval à l’épaisse crinière et l’infatigable taureau des montagnes. ……
Mais, ainsi maître d’un savoir dont les ingénieuses ressources dépassent toute espérance, il peut prendre ensuite la route du mal tout comme du bien
Sophocle, Antigone.

Dans cet éloge à l’intelligence et à l’ingéniosité de l’homme – vieux de 2.500 ans – on voit l’homme apparaître comme maître de la nature, capable de plier les circonstances à son vouloir et à son besoin.

Ce qui n'est pas dit clairement, mais qui est sous-entendu à cette époque, c’est le fait que, malgré son pouvoir, l’homme est toujours encore petit comparé aux éléments naturels. Toutes ses interventions laissent la nature inchangée et ne diminuent pas ses forces créatrices.
Depuis lors et pendant longtemps, les Hommes ont géré la planète sans prêter attention à son équilibre. On a pollué (l'air, l'eau, le sol…), surexploité les ressources (forêts, matières premières, énergies fossiles…), fait disparaître de nombreuses espèces de plantes et d'animaux.

La promesse de la science et de la technique moderne, pour une amélioration constante des conditions de vie de l’humanité, s’est inversée en une menace de catastrophe. Ce que l’homme peut faire aujourd’hui n’a pas son équivalent dans l’expérience passée. Une forme de vie, «l’homme» se trouve maintenant en état de mettre en danger toutes les autres formes de vie et également lui-même.
Le constat d’une crise profonde dans notre monde globalisé est une évidence : crise multiple, économique, écologique, sociale.

Il importe d’être en mesure de reconnaître qu’il s’agit d’une crise systémique : « notre système actuel et fondé sur l’équilibre de la bicyclette : cet équilibre ne se trouve que dans le mouvement, dans la croissance de la consommation, notamment d’énergie et de ressources naturelles, en contradiction flagrante avec la finitude de la biosphère » (Calame, 2009). Or « toutes les crises de l’humanité planétaire sont en même temps des crises cognitives » interrogeant notre système de connaissances (Morin, 2011).
Nous avons besoin d’une éthique de l’état de crise, une éthique de la responsabilité, de la préservation, comme le proclamait le philosophe allemand Hans Jonas dans les années 1970. L’éthique traditionnelle, qui régit les rapports des êtres humains entre eux, ne peut plus nous instruire sur les normes du «bien» et du «mal», auxquelles nous devons nous soumettre.

Dans le cadre de cette éthique traditionnelle, la nature ne constituait pas un objet de responsabilité humaine. Elle prenait soin d’elle-même ainsi que de l’homme. Aujourd’hui, alors que notre pouvoir porte atteinte aux équilibres naturels, notre responsabilité s’étend au-delà des relations inter-humaines, jusqu’au niveau de la biosphère.
La prise de conscience de menaces qui pèsent sur l’humanité ne peut que faire naître la peur. Mais, comme remarque Hans Jonas, la peur est, elle-même, «l’obligation» préliminaire d’une éthique de la responsabilité. C’est une peur qui invite à agir et s’accompagne de l’espérance: que pourrions-nous faire pour éviter le pire ? Il s’agit du courage d’assumer notre responsabilité, en transformant notre propre crainte en devoir d’agir.

Une éthique de l’état de crise, une éthique de la responsabilité, ne peut de ce fait être que planétaire. Au moment où l’avenir même de l’humanité est menacé, l’éthique de la responsabilité résulte en une obligation envers l’existence humaine : «l’homme doit être» et mener une vie digne d’être appelée humaine.

L’avenir de la nature est compris comme condition sine qua non de cette obligation : « l’intérêt de l’homme coïncide avec celui du reste de la vie qui est sa patrie terrestre au sens le plus sublime du mot ». La préservation de la nature est la condition de notre propre survie. Ainsi, nous pouvons parler de « l’obligation pour l’homme », pour nous référer aux deux obligations - à l’égard de l’homme et à l’égard de la nature - qui sont intrinsèquement liées.

Mais encore, la solidarité de destin entre l’homme et la nature (dont nous avons pris conscience à travers le danger) nous fait également redécouvrir la dignité autonome de la nature et nous commande de respecter son intégrité par-delà l’aspect utilitaire.

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Albert Einstein (source Wikipédia)
Un être humain est une partie de ce tout que nous appelons l’univers, une partie limitée dans le temps et dans l’espace. Distinct des autres dans ses pensées et dans ses sensations, il éprouve une sorte d’illusion d’optique de sa conscience.
Cette illusion est comme une prison qui nous limite à nos désirs personnels et à l’affection que nous réservons aux quelques personnes les plus proches de nous. Notre tâche doit être de nous libérer de cette prison en élargissant la sphère de notre compassion afin d’y inclure toutes les créatures vivantes et la totalité de la nature dans toute sa beauté. Personne n’est capable de réaliser cela de façon complète.

Mais en tenter sa réalisation contribue en soi à une partie de notre libération et jette les bases pour notre sécurité intérieure

Albert Einstein, N.Y. Post, November 28, 1972

La question de l'éthique de la responsabilité se trouve au cœur de l'Éducation à l’Environnement et au Développement Durable (EEDD). Il s’agit en fait de faire prendre conscience et d’assumer ses responsabilités envers son milieu de vie immédiat, envers l’environnement planétaire, les générations futures, la vie sur la planète…

Cette place cruciale de la question de la responsabilité face aux défis environnementaux avait déjà été explicitée par l’UNESCO en 1978, dans sa définition des objectifs de l'Éducation à l'Environnement, qui consistent «à amener les individus et les collectivités à saisir la complexité de l’environnement, qu’il soit de type anthropique ou naturel, afin d’être en mesure de participer de manière responsable à la prévention et à la gestion de l’environnement» (UNESCO, 1978).

L’exigence de la «participation responsable» indique que l’EEDD consiste fondamentalement en une éducation à l’exercice d’une citoyenneté consciente et active.
En fait, éduquer et communiquer sur l’environnement et le développement durable, du fait de la complexité inhérente aux questions environnementales, oblige à se référer :
  • à des questions de gouvernance : «les règles de gestion de la maison commune au moment où la maison commune devient la planète»;
  • à des questions d’une éthique globale : «notre responsabilité, en tant que citoyens de la planète, à l’égard des autres groupes sociaux, des générations futures et de la vie sur terre».

L'éthique de la responsabilité s’opère en trois niveaux

  • le niveau personnel : comment les valeurs auxquelles nous croyons et nos conceptions sur la question de la responsabilité influencent nos pratiques et choix quotidiens;
  • l’éthique collective qui définit des normes morales ou juridiques d’un milieu socioprofessionnel ou d’une profession (déclinée en codes de déontologie et en ‘Chartes de responsabilité’ de différents groupes et milieux, tels que les scientifiques, les journalistes, les habitants, les militaires,…);
  • le niveau de la régulation nationale et internationale qui traduit en normes impératives des principes éthiques (normes juridiques aux niveaux national et international).

Ainsi, au cœur de la transition vers des sociétés durables, se trouve le besoin de l’adoption d’une éthique de la responsabilité allant des choix individuels au droit international.

Pour aller plus loin

Consulter la fiche Comment aborder la question de la responsabilité dans un contexte éducatif

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Lien vers: https://etreserasmus.eu/?ResponsabilitE/download&file=biblioresponsable.pdf
En cliquant sur la vignette, vous pouvez télécharger une bibliographie en lien avec les thèmes abordés dans cette page.

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Auteure de la fiche : Yolanda Ziaka. Polis



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